10/01/2014
Haruki Murakami : Le Passage de la nuit
Haruki Murakami né à Kyōto en 1949, est un écrivain japonais. Fils d'un enseignant de littérature japonaise en collège, il opte pour les arts théâtraux et souhaite devenir scénariste de cinéma. Après ses études à l'université il est pendant huit ans, responsable d'un bar de jazz à Tōkyō, l’une de ses passions avec les chats. Cette expérience le nourrit un peu à son insu et lui permet d'écrire son premier roman Écoute le chant du vent, publié au Japon en 1979. Une fois sa renommée établie après plusieurs romans à succès, il part vivre à l'étranger, en Europe (Italie et Grèce), puis aux États-Unis. Il revient vivre au Japon en 1995, marqué par le tremblement de terre de Kōbe et l'attentat au gaz sarin de la secte Aum dans le métro de Tokyo. Haruki Murakami est également traducteur en japonais de plusieurs écrivains anglo-saxons parmi lesquels Scott Fitzgerald, John Irving ou encore Raymond Carver. Le roman, Le Passager de la nuit, est paru en 2007.
Tokyo, le temps d’une nuit entre minuit et sept heures du matin. Dans un bar, une jeune fille, Mari, est plongée dans la lecture d’un livre, elle sembla attablée ici pour la durée de la nuit avec du thé et des cigarettes. Entre un jeune homme, Takahashi, musicien partant en répétition, il pense reconnaître la jeune fille et s’assoit à sa table. Ailleurs, une autre jeune fille, Eri, dort dans une chambre, c’est la sœur de Mari ; depuis près de trois mois, elle ne fait que dormir pour ainsi dire. Quelqu’un l’observe.
Roman étrange où le banal et l’incompréhensible se mêlent. Le banal, c’est ce musicien qui drague mollement Mari mais d’ailleurs la drague-t-il réellement ? Ni l’un ni l’autre n’ont vraiment l’air de comprendre ce qui leur arrive, restant sur la réserve. L’incompréhensible, touchant au fantastique, c’est Eri plongée dans le sommeil sous l’œil d’un observateur dont on ne saura jamais rien ni pourquoi et ce poste de télé qui s’allume tout seul. Autour de ces personnages graviteront, une prostituée chinoise agressée par son client dans un love-hotel par un informaticien travaillant la nuit, la gérante de l’établissement qui cherchera à venger la victime et une employée de l’hôtel fuyant un passé qui nous restera inconnu.
Roman de sensations, de non-dits. Sans être dans l’extravagant, nous ne sommes jamais dans la « normalité » complète, de légers mystères s’éclairent à posteriori, d’autres jamais. Tous les personnages du roman ont un rapport quelconque les uns avec les autres, même s’il peut être ténu. C’est l’effet papillon ou les dominos qui s’écroulent les uns à la suite des autres. On pense immanquablement au film de Sophia Coppola, Lost In Translation sorti en 2003, ce genre d’ambiance légère et pesante tout à la fois, ou bien à ces tableaux d’Edward Hopper, décor de bar et éclairages au néon, solitude froide, personnages en attente. D’autres références cinématographiques, mais elles citées par l’auteur (Alphaville de Godard par exemple) ou musicales (jazz, pop, classique) ponctuent le roman.
Haruki Murakami utilise le lecteur comme s’il était une caméra, nos yeux suivent les directives du metteur en scène, nous ne sommes « qu’un point de vue », nous n’avons ni à anticiper ou à réfléchir sur ce qui se passe, notre rôle n’est que de VOIR.
L’écriture est froide, distancée et faite de phrases courtes, parfois dans le style d’un rapport administratif. Pas de gras, de descriptions gratuites ou de digressions, du coup la lecture est rapide. Le lecteur ne comprend pas très bien tout ce qui se passe sous ses yeux mais il est irrésistiblement entraîné jusqu’à la fin du roman. Sans déplaisir, mais sans bien savoir ce qui lui est arrivé non plus !
« Pas de signe particulier sur son visage, mais, à des détails de son expression, on perçoit une forte détermination. Sans doute la quarantaine. La chair n’est pas du tout relâchée, au moins sur le visage. L’apparence de l’homme : celle d’une chambre bien ordonnée. Il ne ressemble pas à un homme qui paye les services d’une prostituée chinoise dans un love-hotel. Encore moins à quelqu’un qui la brutalise sans raison et qui s’en va en lui confisquant ses vêtements. Dans la réalité, pourtant, il l’a vraiment fait. Il ne pouvait pas faire autrement que de le faire. »
Haruki Murakami Le Passage de la nuit Belfond
Traduit du japonais par Hélène Morita avec la collaboration de Théodore Morita
08:02 Publié dans Etrangers | Tags : haruki murakami | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |